La semaine dernière, je suis allée à la journée Forum de société du Centre Pompidou portant sur le Musée 2.0. Elle était d'ailleurs diffusée en direct ici (en français et en anglais avec traduction simultanée).
Sans vous faire un résumé de la journée (vous pourrez compléter avec cette note de Diane de Buzzeum), voici quelques-uns des éléments « nouveaux » ou « inspirants » pour moi.
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Peter Weibel
Découverte de Peter Weibel, artiste multidisciplinaire et directeur du musée ZKM (à Karlsruhe en Allemagne), un musée consacré aux arts et aux médias.
Le personnage m'a beaucoup impressionnée (photo du personnage ici). Il n'est pas jeune, il en connaît un brin en technologies et web (ce qui est quand même étrange dans ce domaine), a un charisme que bien des directeurs de musée doivent envier, vulgarise ses propos et surtout a une vision du musée très inspirante.
Quelques idées à retenir et que j'interprète selon ma propre sensibilité et expérience :
- La blogosphère est un lieu d'expression pour un individu, ou une organisation, qui s'inscrit dans la sphère publique. Cela est justement le propre du musée d'amener dans la sphère publique des éléments initialement dans des sphères « réservées » (chercheurs universitaires, réserves d'objets, histoire oubliée ou lointaine, etc.). Blogosphère et musées sont de nature à s'entendre. Dans l'optique que les musées s'ouvrent à la blogosphère (et toutes les approches connexes du web participatif - flickr, facebook, etc.), ils devront permettre, faciliter (idéologiquement et technologiquement) et même encourager les interactions spécifiques avec ce type de clientèle. Les systèmes de tags, les groupes myspace, flickr, facebook, youtube, etc. en témoignent déjà.- L'arrivée de la technologie numérique et informatique depuis ses débuts suit des mutations fulgurantes dans ses supports de mémorisation (cartes perforées, disquettes, cassettes - BETA/VSH/..., CD, etc.). Lorsqu'un musée souhaite conserver une création enregistrée sur ces supports, il est primordial qu'ils conservent également des machines permettant de lire ces supports. La fonction d'archivage et de conservation devront dorénavant se préoccuper du message (sur un support), mais également de l'instrument permettant sa lecture. Je ne suis pas spécialiste, mais quoique cette approche ne soit pas nouvelle (pensons à la musique sur cylindre, les films, etc.), il me semble que l'arrivée du web étend cette préoccupation à beaucoup plus d'organisations préoccupées par la mémoire et l'archivage. Il nous semblait naturel qu'un musée des sciences ou d'histoire des sciences conserve des lecteurs de cassettes vidéo VSH. Dorénavant, il faudra également que les musées d'art, ou autres musées, s'en préoccupent puisque nombre d'artistes produisent des créations éphémères dont la seule trace est justement un vidéo. Bon, je suis peut-être naïve, mais je n'y avais jamais songé. ;-)
- Cette idée-là, je la connaissais (j'en avais d'ailleurs parlé lors de ma présentation à Avignon), mais elle est si forte que je la note à nouveau : les artistes ont perdu le monopole de la créativité et de l'image. Avec les outils offerts sur le web et par des technologies et logiciels, tout un chacun peut créer. Et c'est tant mieux!
Pierre-Yves Desaive
J'avais croisé Pierre-Yves Desaive lors du congrès à Liège/Bruxelles l'automne dernier. Il travaille pour les Musées royaux de Belgique sur les volets numériques.
De ses propos, j'ai noté que le numérique ne supplanterait pas le musée « réel », mais contribuerait à la poursuite de son développement. Par contre, il se pourrait que le numérique amène la disparition du catalogue/livre d'exposition. Intéressant.
John Stack
Il y a longtemps que je veux connaître les instigateurs de la Tate Online. Mais je n'avais jamais fait de recherches en ce sens. Manque de temps.
Les expérimentations de la Tate avec le numérique m'impressionnent beaucoup.
Donc, lorsque j'ai vu que la Tate ferait une présentation ce 1er avril au centre Pompidou, en l'occurrence John Stack, directeur de la Tate Online (photo ici) j'étais enchantée.
Quelques éléments retenus :
- Les projets de développement de la Tate Online passent essentiellement par le perfectionnement et la diversification du moteur de recherche. Perfectionnement, parce qu'ils visent à raffiner les options de recherche et les interactions des usagers avec les « produits » offerts sur le site. Diversification parce que plusieurs façons d'appréhender ces informations seront étudiées. Par exemple :- faire une recherche par élément visuel (couleur, forme, etc.) des artefacts et objets de la collection;
- que les entrées dans le catalogue en ligne de la collection soient consultables par des repères chronologiques (ligne du temps et en comparaison les uns avec les autres... ex. lors de la création de telle oeuvre, telles autres étaient également créées);
- ... ou à l'aide de repères géographiques (géotagging et autres caractéristiques géographiques s'inspirant des possibilités de mashup avec google maps... ex. voir une carte des oeuvres selon leur lieu de création);
- ... ou encore des repères externes ou des relations (imaginons que je souhaite voir les oeuvres d'un artiste... et celles de ses contemporains. Juste pour comparer comment les uns et les autres s'influençaient mutuellement);
Très prometteurs comme développements. J'appellerais cela valoriser la collection en ligne et cela me semble très enrichissant pour les collections et pour le musée. Et c'est justement l'existence numérique de la collection (images + description du conservateur) qui permet ces nouvelles vies à l'oeuvre. Et si l'outil est bien fait, la réappropriation par l'usager (citoyens, mais également spécialistes, historiens, artistes, etc.) est d'autant plus enrichissante et pour le musée. Parce qu'évidemment, le musée s'organisera pour pouvoir garder une trace de ces réappropriations. C'est encore une fois la technologie qui permet de faire ça.
... Bon, mon propos devient technique. Curieusement, c'est justement quelque chose que je constate avoir développé (à ma grande surprise!) dans les deux dernières années.
Bref, le Tate (de façon générale et en particulier les approches média) est à surveiller de près. Et si vous cherchez un stage, je vous recommande d'aller frapper à leurs portes (ils ont plusieurs antennes).
Gaëlle Crenn et Geneviève Vidal
Gaëlle Crenn est maître de conférences à l'Université Nancy 2 et Geneviève Vidal est également maître de conférence, mais à l'Université paris 13. Leur présentation rassemblait une soixantaine d'exemples de projets intégrant des fonctionnalités propres au web 2.0 (fil rss, agenda/galerie/signets/etc. personnalisés, forums, système de commentaires, blogs, expositions intégrant des éléments provenant de «contributeurs citoyens », etc.
J'ai beaucoup aimé leur division de ces fonctionnalités qui permettent à l'usager d'appréhender le site du musée (et son offre) à divers niveaux :1. Fond : fonctionnalités qui permettent au musée de diffuser/organiser son information et donc à l'usager de recevoir ces informations (ex. les fils rss);
2. Forme : fonctionnalités qui permettent à l'usager de personnaliser les outils ou informations mis à disponibilité par le musée (ex. l'agenda personnalisé);
3. Description : fonctionnalités qui permettent à l'usager de contribuer à la description ou aux informations propres au musée et à ses collections (ex. tags, commentaires, galeries personnelles enrichies de commentaires, signets partagés);
4. Échange : fonctionnalités qui permettent aux usagers de communiquer entre eux et avec le personnel du musée (ex. blogs, forums, systèmes publics d'évaluation)
5. Création : fonctionnalités qui permettent aux usagers de créer de nouveaux éléments à partir de ceux provenant du musée, ou encore de contribuer aux créations du musée (ex. élément dans une exposition qui provient d'un site collaboratif)
Cela mène à reconsidérer l'autorité qui devient partagée entre le musée et ses usagers.
En conclusion, Jacques-François Marchandise (directeur développement de la FING - Fondation de l'Internet Nouvelle Génération qui produit InternetActu.net) a été invité à conclure. J'ai bien aimé qu'il nous invite à réfléchir sur ces musées qui expérimentent sur Internet et ses diverses fonctionnalités : ces projets sont-ils marginaux ou émergents?
Sur cela je continue la réflexion. Est-ce que le musée connaîtra une crise comme l'industrie de la musique et du cinéma ont vécu avec l'arrivée du mp3 ou du film numérique? Crise que le livre s'apprête possiblement à vivre. Je ne crois pas. Tout comme le plaisir de voir un chanteur ou un orchestre en concert, les gens ne perdront pas le plaisir de visiter un musée, de voir pour vrai un objet historique ou symbolique. Mais il se peut bien que le livre associé à une exposition devienne numérique.
Ainsi, la journée a été fort chargée. Plusieurs autres propos et présentations étaient à retenir. Mais bon, ce n'est pas un verbatim que je vous offre. ;-)
Par ailleurs, j'ai été très étonnée de quelques éléments organisationnels de la journée :
- il n'y avait pas de liste des participants distribuée aux participants, seulement une feuille recto verso présentant les conférenciers et le topo général de la journée;
- il n'y avait pas de pauses-café (seulement pour le repas du midi);
- il n'y a pas eu de lieu/repas offert le midi (même payant). Résultat, tout le monde s'est dispersé;
- il n'y a donc pas eu de moment pour que les gens discutent, échangent, se connaissent.
Pourtant, c'est un des éléments fort utiles de ce genre de journée.
Je savais que d'autres muséoblogueurs étaient là, mais sans pouvoir les reconnaître ou les croiser. Grosse déception.
Par contre, j'ai eu le plaisir d'être reconnue par certains. ;-)
Cela dit, il semblerait que les textes et présentations seront publiés. Ce qui me semble ESSENTIEL. Ce n'est pas très web 2.0 sinon.
Autre élément. Je constate que plusieurs musées s'intéressent à expérimenter avec les fonctionnalités du web actuel. Je trouve ça génial. Ce serait bien si ces musées réalisaient l'exercice à fond et publiaient un blog sur ces projets. Non pas pour le pubic, mais pour les autres professionnels de musée.
Je note qu'aucun des conférenciers n'a un blog (institutionnel ou personnel). Et cela me semble être une lacune majeure.